Être une étrangère n’était clairement pas une chose aisée. J’avais toujours trouvé New-York gigantesque et j’avais appris à dompter la ville au fil des années. Ca n’avait pas été simple mais en ayant grandi là-bas, je connaissais maintenant la Grosse Pomme comme ma poche. J’aurais pu aller n’importe où et facilement, parfois même les yeux fermés. Mais Londres… Londres était finalement plus grande que ma ville natale. Et forcément, je ne connaissais pas encore la ville alors retrouver les lieux sorciers au milieu de tout ça… Même si le secret magique avait éclaté, le Chemin de Traverses n’était pas indiqué par des panneaux fléchés. Helios m’avait indiqué la route, donné des points de repères mais malgré cela, j’avais mis un temps fou à atteindre la rue sorcière. Les garçons m’avaient pourtant conseillé d’utiliser la poudre de cheminette, que ça serait le plus simple pour y aller et sur ce point, ils avaient raison. Mais il fallait que je dompte cette ville. Il fallait aussi que je sorte de ma bulle et cette zone de confort que j’avais créé depuis l’incident.

Alors j’étais partie à pieds dans la ville. Je ne sais pas pendant combien de temps j’ai marché. Je suis sûre de m’être perdue par contre. J’ai fini par arriver à bon port. Quand Helios m’avait dit que le Chaudron Baveur passait inaperçu, il n’avait absolument pas menti. Il a fallu que je sois devant l’enseigne pour réaliser que j’étais arrivée. Je suis entrée et j’ai découvert un pub un peu miteux. Cependant, vu la clientèle, j’étais certaine d’être au bon endroit. Je me suis dirigée à l’arrière pour trouver le mur de briques qui s’ouvrait sur le Chemin de Traverse si on tapotait les bonnes briques. Informations reçues par Helios, une fois de plus.

Le Chemin de Traverse était quant à lui grandiose. Magnifiquement sorcier. Et britannique. Ca changeait complètement de nos lieux magiques aux Etats-Unis. Helios disait souvent que Poudlard était très différent d’Ilvermorny et une part de moi espère voir l’école un jour. Je sais qu’il est peu probable que je visite le château mais il m’a promis de m’emmener un jour à Pré-au-Lard pour au moins l’apercevoir de loin. J’avais hâte tout de même de le découvrir. J’avais hâte de découvrir le monde d’Helios, même si je savais qu’il n’avait pas que de bons souvenirs ici. Comme moi aux Etats-Unis finalement. La mélancolie d’avoir quitté mon pays s’était faite sentir et une part de moi savait pourtant que c’était la meilleure chose à faire. Pour lui, ça avait dû être un peu la même chose.

J’ai erré sur le Chemin de Traverse un petit moment avant de trouver le bâtiment que je cherchais : celui de la Gazette du Sorcier. J’avais prévu de rencontrer un peu les membres de l’équipe, voir si une place était disponible et leur montrer un peu mon travail pour postuler si c’était possible. Pour une fois, j’avais abandonné mon style vestimentaire rock gothique pour une tenue plus professionnelle. Il fallait que je décroche un boulot, cela faisait un peu trop longtemps que je trainais à l’appart à rien faire, à taper dans mes économies. Le groupe rapportait peu d’argent pour l’instant et je ne pouvais pas continuer à vivre au crochet des garçons. Alors je suis entrée et j’ai mis toutes les chances de mon côté.

Je suis ressortie quelques heures plus tard. L’équipe était fort sympathique et mon profil leur plaisait. Pour une candidature plus que spontanée, j’avais l’impression d’avoir mes chances. La personne qui m’avait reçue a dit qu’elle ferait part de ma candidature à ses supérieurs et qu’ils me contacteraient prochainement pour me rencontrer. Je n’avais plus qu’à attendre. Et pour l’instant, je n’avais pas grand-chose à faire si ce n’était vadrouiller un peu sur le Chemin de Traverse. Je n’avais pas envie de rentrer. Je sentais que prendre l’air me faisait du bien. Je regardais les différentes vitrines, découvrais un peu les magasins. Et forcément, j’ai fini par arriver devant une librairie. Pour moi qui aimais les mots, les livres étaient de bons amis. Je suis entrée et j’ai commencé à errer dans les rayons à la recherche d’une pépite à lire. Je prenais un livre, regardait la quatrième de couverture, feuilletait quelques pages et recommençais… Je pouvais rester ici pendant des heures. Et très probablement que je repartirai avec un ou deux livres. Ca m’occuperait quelques temps.

She lives in a fairy tale, somewhere too far for us to find. Forgotten the taste and smell of a world that she's left behind.

Pando

Comme dans toutes librairies, les murs étaient recouverts d’étagères, remplies elles-mêmes de livres. Ce que j’aimais le plus ici, c’était la bonne odeur de papier émergeant de toutes ces œuvres attendant d’être adoptées. Si ça n’avait tenu qu’à moi, j’aurais été capable d’acheter l’entièreté du magasin. Mais ça ne tenait pas qu’à moi. Et je n’avais pas la place à l’appart pour acheter autant de bouquins.

J’étais rentrée dans la boutique avec l’objectif de flâner un peu, histoire de ne pas rentrer tout de suite. Mes interactions sociales étaient peu nombreuses depuis quelques temps et une part de moi admettait que ça lui manquait. Les garçons étaient des amours, tout comme Louis et Juliette que je connaissais depuis peu mais j’avais besoin de me refaire une vie dans ce nouveau pays. Et s’ils étaient des bons points d’ancrage, ils n’étaient pas suffisants. J’avais besoin de découvrir cette ville, d’apprendre à la connaitre et de la dompter. Tout ça, ça ne se faisait pas depuis ma chambre. Autant donc commencer avec un endroit où je risquais de passer du temps.

« Vous devriez garder un œil sur vos poches tout en lisant. Un vol de mornilles peut rapidement arriver. »

Je me tourne vers la voix. Une jeune femme d’environ mon âge me fait face. Elle a un regard malicieux. Elle est très charmante aussi. Un petit sentiment de méfiance s’installe doucement en moi. Je ne la sens pas dangereuse pour autant, juste… Maline. Et capable de ce vol dont elle parlait.

« Il faudrait déjà que j’en ai dans les poches pour les voler. Mais je sens surtout une pointe de provocation ici… Je me trompe ? »

Ce qu’elle ne sait pas, c’est que je connais la provocation moi aussi. J’ai été une terreur à Ilvermorny, me battre ne me fait pas peur. Je ne suis pas inquiète face à elle, je sais que j’ai vécu pire, ne serait-ce qu’il y a quelques mois. Et je sais que je suis capable de m’en sortir. Cela dit, la demoiselle change rapidement de sujet.

« J’ai jamais compris l’intérêt de préférer lire une aventure au lieu de la vivre. »

Je comprends tout de suite qu’elle fait référence au livre que je tiens dans les mains. Enfant, la lecture était mon échappatoire. L’écriture aussi. Je trouvais dans les mots les moyens de vivre toutes ces aventures dont elle parlait. Je n’avais pas d’autres moyens de le faire à l’époque. Et aujourd’hui ? Aujourd’hui… Je n’en avais pas la force. Pas maintenant. Vivre à Londres était déjà une aventure en soi, je ne connaissais pas la ville, je ne connaissais personne… Et je ne savais pas vraiment par où commencer pour me reconstruire. Mais tout ça, elle ne pouvait pas le savoir. Et je n’avais pas envie de parler de tout ça avec une inconnue qui avait vraisemblablement dans l’idée de me voler mes mornilles.

« Toutes les aventures ne sont pas bonnes à vivre. Certaines sont faites pour être lues. »

Comme tout le monde, j’ai mes peurs, mes phobies, mes limites. Je sais ce que je suis capable de faire et ce que je ne suis pas capable d’affronter. Alors oui, il y a des aventures qui sont très bien dans les pages d’un livre et non dans la réalité.

She lives in a fairy tale, somewhere too far for us to find. Forgotten the taste and smell of a world that she's left behind.

Pando